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Grand Frère de Mahir Guven

Nouvelle lecture avec l’opération Les 68 Premières Fois de la rentrée littéraire de Janvier 2020. Un style d’écriture spécifique avec un mix entre un vocabulaire classique et celui plus brut dont le glossaire en fin de volume est des plus importants.

Quatrième de couverture :

Grand frère est chauffeur de VTC. Enfermé onze heures par jour dans sa « carlingue », branché en permanence sur la radio, il rumine sur sa vie et le monde qui s’offre à lui de l’autre côté du pare-brise.

Petit frère est parti par idéalisme en Syrie depuis de nombreux mois. Engagé comme infirmier par une organisation humanitaire musulmane, il ne donne plus aucune nouvelle.

Ce silence ronge son père et son frère, suspendus à la question restée sans réponse : pourquoi est-il parti ?

Un soir, l’interphone sonne. Petit frère est de retour.

Dans ce premier roman incisif, Mahir Guven alterne un humour imagé et une gravité qu’impose la question du terrorisme. Il explore un monde de travailleurs uberisés, de chauffeurs écrasés de solitude, luttant pour survivre, mais décrit aussi l’univers de ceux qui sont partis faire le djihad en Syrie : l’embrigadement, les combats, leur retour impossible en France… Émerge ainsi l’histoire poignante d’une famille franco-syrienne, dont le père et les deux fils tentent de s’insérer dans une société qui ne leur offre pas beaucoup de chances.

Avis et commentaires :

Un bouquin coup de poing sur un sujet, très actuel, le destin d’une fratrie d’origine syrienne dans la société française partagée entre la débrouille, une certaine intégration dans une société et un univers globalement difficile et le retour à ses origines, ici se sentir une vocation de défenseur d’un peuple en guerre. Un destin différent entre deux frères ; pour l’un chauffeur VTC, accessoirement indic par contrainte, à son compte après un parcours de petit déliquant et son frère infirmier qui va vouloir chosir l’humanitaire en Syrie avant de glisser vers le terrorisme.

Conflit générationnel avec un père – chauffeur de taxi ayant choisi l’intégration la plus totale possible dans sa patrie d’adoption, peu sensible à la pratique religieuse et ses fils tous deux plus versés vers une certaine pratique de la religion musulmane mais aussi marqués par une société française de la banlieue assez inégalitaire. 

Le lecteur est entrainé par des chapîtres courts par chacun de ces deux frères dans leurs évolutions, leurs choix de vie et d’orientation. A l’heure où le frère parti en Syrie revient en France après un parcours particulièrement chaotique et de plus en plus violent, quel est son véritable dessein, comment va t’il être perçu par ses anciens amis et son père ? Quels choix va devoir faire  son frère pour sauvegarder les liens familiaux, pour éviter le pire s’il devait survenir, comment gérer les silences et les absences de son petit frère ?

De nombreuses pistes, constats de toute sorte sont autant de voies que le lecteur va devoir suivre avec une écriture parfois âcre et un certain suspense aménagé jusque dans les dernières page

Le Chien de Schrödinger par Martin Dumont

Nouvelle lecture dans le cadre des 68 Premières Fois Session Janvier 2020, un moment de grande émotion.

Résumé editeurs :

Le monde de Jean, c’est Pierre, le fils qu’il a élevé seul. Depuis presque vingt ans, il maraude chaque nuit à bord de son taxi, pour ne pas perdre une miette de son fils. Il lui a aussi transmis son goût pour la plongée, ces moments magiques où ensemble ils descendent se fondre dans les nuances du monde, où la pression disparaît et le cœur s’efface. Mais depuis quelque temps, Pierre est fatigué. Trop fatigué. Il a beau passer son temps à le regarder, Jean n’a pas vu les signes avant-coureurs de la maladie. Alors de l’imagination, il va lui en falloir pour être à la hauteur, et inventer la vie que son fils n’aura pas le temps de vivre. Quand la vérité s’embrouille, il faut parfois choisir sa réalité. Un premier roman pudique et poignant, le roman de l’amour fou d’un père pour son fils

Avis et commentaires :

Un genre souvent repris et l’originalité de celui-ci tient dans le récit d’un père tout en pudeur, sans pathos excessif mais un moment d’émotion très fort. Un cancer fulugurant pour le fils de Jean, chauffeur de taxi au quotidien, déjà endeuillé par la disparition violente de sa compagne pour laquelle il cultive par ailleurs un profond sentiment de culpabilité et dont sa belle-famille semble lui en faire aussi reproche. Il lui reste peu de temps pour offrir à Pierre un ultime cadeau ; la publication de son manuscrit à tout prix …..mentir, inventer peu importe.

Dans ce court roman, c’est aussi la relation intime de ces deux êtres à travers la passion de la mer et le soutien moral qu’ils s’offrent respectivement dans cette vie sans mère. De très beaux moments que l’auteur nous fait partager mais aussi ses doutes, le paradoxe de vouloir offrir la seule chose qui maintient Pierre un peu plus longtemps, l’invention d’un mensonge mais aussi la culpabilité de le tromper… et puis que faire après…

Une belle écriture et une fluidité dans le récit, une très agréable lecture toute en sensibilité et en beauté.

Un amour de Kessel Dominique Missika

Quatrième de couverture :

Grand reporter, romancier adulé, Joseph Kessel, Jef pour ses amis, collectionnait les aventures, comme s’il était incapable de rompre avec les femmes aimées. Germaine Sablon fut l’une d’elles et, peut-être, celle qui l’a le plus inspiré. Sœur du crooner Jean Sablon, Germaine est déjà une vedette du music-hall quand elle croise l’écrivain dans un cabaret de Pigalle en 1935. Le coup de foudre est immédiat. Leur relation, qui durera presque dix ans, débute dans le Paris de l’entre-deux guerres, sur fond de jazz, de vodka et d’opium. À l’épreuve de la guerre, l’idylle prend un nouveau tour. Refusant la débâcle, la jeune femme s’engage la première dans la Résistance, avant d’y introduire Kessel. En zone libre, le couple aide réfugiés et combattants de l’« armée des ombres », jusqu’à être à son tour contraint de fuir la France occupée. Tous deux, dans un périple éprouvant, rejoignent le Portugal, puis Londres et le général de Gaulle.

Mêlant passion amoureuse et grande Histoire, Dominique Missika, avec le talent qu’on lui connaît, fait revivre ces amants magnifiques dont la complicité a donné naissance au Chant des partisans, l’hymne de la Résistance française écrit par Kessel et son neveu Maurice Druon en 1943. Germaine Sablon, dont Cocteau disait « c’est un cœur qui chante », fut la première à l’enregistrer.

Avis et commentaires :

Joseph Kessel m’avait toujours paru être un auteur à suivre même si je ne l’ai pas beaucoup lu.

Ce livre m’a définitivement donné l’envie de creuser son oeuvre. Un livre biographique de grande qualité, extrêmement documenté et trépident par son rythme. Le terme de biographie n’est pas le terme adéquat d’ailleurs, c’est surtout et avant tout la chronique d’une passion amoureuse entre deux personnages hors -norme entre 1935 et la fin de la seconde guerre mondiale. Un auteur reconnu, héros de guerre aux multiples passions amoureuses et une vedette de music hall aux tempéraments l’un et l’autre solidement trempés. Epoque passionnante et dramatique au milieu d’un monde interlope et aux noms reconnus…. Druon, Jean Sablon, Maurice Chevalier, Joséphine Baker, De Lattre de Tassigny, De Gaulle…. et tout cela nous est délivré sans excés et en parfaite neutralité.

Entre engagements militants avec une volonté commune des deux amants de cette histoire de s’engager contre la politique de collaboration  de Vichy, romans d’espionnage mais roman aussi des passions amoureuses de Kessel, passions de la littérature, on découvre avec grand plaisir cette fresque et ces personnages héroîques réels.

A découvrir absolument.

Antonia Journal 1965 – 1966 de Gabriella Zalope

Nouvelle session des 68 Premières Fois de cette édition 2020.

Merci de cette découverte et de ce partage.

Quatrième de couverture :

Issue de grandes dynasties viennoises et anglaises au cosmopolitisme vertigineux, Antonia est mariée à un nanti de Palerme. Soumise et contrainte à l’oisiveté, mais lucide, elle rend compte dans son journal de ses journées-lignes et du profond malaise qu’elle éprouve. Suite au décès de sa grand-mère, Antonia reçoit quantité de boîtes contenants lettres, carnets et photographies. En dépouillant ces archives, elle reconstruit le puzzle du passé familial et de son identité intime, puisant dans cette quête, deux ans durant, la force nécessaire pour échapper à sa condition.Roman d’une émancipation féminine dans les années 1960, Antonia est rythmé de photographies tirées des archives familiales de Gabriella Zalapì. Comme chez Sebald, elles amplifient la puissante capacité d’évocation du texte.Gabriella Zalapì est artiste plasticienne, d’origines anglaise, italienne et suisse. Née à Milan, elle a également vécu à Genève et New York. Aujourd’hui elle habite et travaille à Paris. Antonia est son premier roman.

Avis et commentaires :

Court premier ouvrage d’une quarantaine de pages, ensemble de photos et d’extraits d’un journal intime sur une période clé qui permet à la narratrice de retracer par bribes une chronique familliale sur plusieurs générations et cela dans l’ensemble assez sombre. Désamour de la narratrice, issue d’une famille plutôt aisée mais complexe,  trop vite mariée à un personnage peu sympathique, manque de sentiments maternels envers l’enfant né de cette union…. dont on découvre les racines dans une série de flashs par les relations et échanges qu’elle a subi avec sa propre mère. Se lançant dans la découverte d’une série d’archives constituées de courriers et papiers familliaux, Antonia tente de se reconstruire et partage avec ses lectrices et lecteurs son histoire.

Ensemble de chroniques de la splendeur passée d’une famille avec ses travers, ses rigidités et compromissions pour lesquelles le lecteur adhère ou non.

A l’issue de cette lecture, je reste sur ma faim tant je voudrais avoir plus de réponses.

Sauf que c’étaient des enfants de Gabrielle Tuloup.

Quatrième de couverture :

Un matin, la police entre dans un collège de Stains. Huit élèves, huit garçons, sont suspectés de viol en réunion sur une fille de la cité voisine, Fatima. Leur interpellation fait exploser le quotidien de chacun des adultes qui entourent les enfants. En quoi sont-ils, eux aussi, responsables ?
Il y a les parents, le principal, les surveillants, et une professeure de français, Emma, dont la réaction extrêmement vive surprend tout le monde. Tandis que l’événement ravive en elle des souvenirs douloureux, Emma s’interroge : face à ce qu’a subi Fatima, a-t-elle seulement le droit de se sentir victime ? Car il est des zones grises où la violence ne dit pas toujours son nom…

Avec beaucoup de justesse, Gabrielle Tuloup aborde la question de l’abus sexuel dans notre société. Le lecteur, immergé dans l’intimité de personnages confrontés à la notion de consentement et aux lois du silence, suit leur émouvante quête de réparation.

Avis et commentaires :

Une lecture de grande qualité sur une thématique qui n’est pas des plus simples abordées tant sa thématique est à la fois actuelle et plutôt sordide.

Un fait divers, hélas si actuel, celui d’une tournante dans une banlieue de Seine St Denis par de jeunes lycéens au détriment de Fatima est le point de départ de ce récit. Plus que d’évoquer le seul aspect de ce crime sordide, l’auteure va s’attacher à en dresser les tenants et les aboutissants ; le proviseur, son équipe et plus particulièrement certaines des enseignantes de son équipe.

Bien sûr il y a une place pour la malheureuse Fatima qui a eu le courage de porter plainte, acte qui va lui coûter tant ainsi que pour sa mère, une des mères des protagonistes de ce viol et toujours ce sentiment d’impunité ou d’incompréhension de la gravité  de l’acte de viol partagé par trop d’adolescentes et adolescents de ce lycée. L’horreur de ce crime ne manque pas aussi de provoquer une prise de conscience des dénis d’Emma, la professeure de français, sur son propre vécu.

Pas de pathos excessif, aucune mise en lumière des adolescents violeurs, fort heureusement, mais une description précise de la succession des sentiments ou réflexions de l’équipe d’encadrement et enseignante de ce lycée. Un bon article détaillé en fait de scènes et faits de notre actualité, hélas trop quotidienne qui ne prend que 2 s dans les journaux télévisés avec une certaine réflexion de fond.

Dans la Forêt de Jean Hegland

Entrée en matière du Mois Américain proposé par Martine sur FB et Instagram avec ce livre de Jean Hegland en 309 pages.

Quatrième de couverture :

Rien n’est plus comme avant : le monde tel qu’on le connaît semble avoir vacillé, plus d’éléctricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Des rumeurs courent, les gens fuient. Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au cœur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, elles demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours vivantes, leurs passions de la danse et de la lecture, mais face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, emplie d’inépuisables richesses.

Considéré depuis sa sortie comme un véritable choc littéraire aux Etats-Unis, Dans la forêt, roman sensuel et puissant, met en scène deux jeunes femmes qui entraînent le lecteur vers une vie nouvelle.

Traduit de l’américain par Josette Chicheportiche

Mon avis :

Une découverte incroyable que cette auteure et ce livre, son premier roman publié en 1996 aux Etats-Unis et proposé aux lecteurs français par Gallmeister en 2017.

C’est sa version poche qui m’a tenu en haleine une bonne semaine et qui sera sûrement pour moi après le roman de Mc Carthy « La Route ».

Ce n’est pas sans émotion que nous plongeons dans le monde post apocalyptique de deux soeurs, au destin déjà très marqué par le décès de leur maman et de celui accidentel de leur père alors que la catastrophe s’enclenchait…. Entre l’ainée, Eva, ne rêvant que de réussir une carrière de danseuse, celle que sa mère n’a plus menè à son terme et la narratrice, Nell, n’aspirant qu’à Harvard et à un succès universitaire, c’est un tout autre combat qu’elles vont devoir mener ;  celui de la survie dans la maison de leur enfance que leur parent avait délibérement construire à l’écart de tout et en pleine forêt, source de toutes les ressources indispensables à la vie.

Un père passionné qui les avait initié à l’agriculture, au bricolage et à la vie la plus saine possible et déscolarisé, un collectionneur de tout ce qui pouvait servir, sans savoir combine cet héritage va être indispensable.

C’est ainsi qu’à des ambitions, sommes toutes de leur âge, c’est à la survie dans un milieu très hostile et à l’abri d’aucune turpitude possible que Nell Eva vont se trouver plonger. Peu de leur chose leur sera épargné, à commencer par la sorité et l’amour qu’elle se porte….

Dur mais de très grande qualité, un petit chef d’oeuvre qu’on ne peut que conseiller aux amoureux de la nature, la grande alliée de nos adolescentes et aux sentiments humains.

Principe de suspension de Vanessa Bamberger

Nouvelle édition avec les 68 Premières Fois et cela pour la rentrée de Janvier 2017 dont voici la sélection totale :

Elle voulait juste marcher tout droit de Sarah Baruck, Albin Michel 
La sonate oubliée de Christiana Moreau, Préludes
La téméraire de Marie Westphal, Stock 
Les parapluies d’Erik Satie de Stéphanie Kalfon, Joëlle Losfeld 
Marguerite de Jacky Durand, Carnets Nord
Marx et la poupée de Maryam Madjidi, Le Nouvel Attila
Mon ciel et ma terre de Aure Attika, Fayard
Ne parle par aux inconnus de Sandra Reinflet, Jean-Claude Lattès 
Nous, les passeurs de Marie Barraud, Robert Laffont 
Outre-mère de Dominique Costermans, Luce Wilquin 
Presque ensemble de Marjorie Philibert, Jean-Claude Lattès
Principe de suspension de Vanessa Bamberger, Liana Levi
Quatrième de couverture :
« 10 % de talent, 90 % d’efforts. » C’est la devise de Thomas pour défendre son usine et ses salariés. Depuis qu’il a racheté Packinter, une PME de la filière plastique, il lutte pour conjurer le déclin de l’industrie dans sa région du Grand Ouest. Un hiver pourtant tout bascule, et il se retrouve dans la chambre blanche d’un service de réanimation, relié à un respirateur. A ses côtés,Olivia, se femme attend son réveil. Calme, raisonnable, discrète. Comme toujours. Dans ce temps suspendu, elle revit les craintes des ouvriers, les doutes de Thomas, les trahisons intimes ou professionnelles qui les ont conduits jusqu’à ce grand silence, ce moment où se sont grippés le mécanisme des machines et la mécanique des sentiments. Parce que la vie s’accommode mal de l’immobilisme, il faut parfois la secouer un peu, selon le « principe de suspension ».
Un premier roman juste et subtil sur le blues du petit patron et le fragile équilibre du couple.
Avis et commentaires :
Récit choral autour d’une multiplicité de faits économiques, sociaux et humains propres à notre époque parfaitement rendus dans un style, un rythme clair et bien enlevé.
Autour d’un personnage central, en la personne de Thomas, à la fois entrepreneur volontaire mais se voulant aussi pourvu d’un certaine fibre sociale et si humain. Au coeur d’une région déjà très sinistrée d’un point de vue économique, Thomas, après une carrière réussie dans les banques, pourvu d’une femme qu’il appréhende mal, de deux enfants qu’il n’a pas vu grandir, à l’historique parental délicat et avec ses propres drames intimes, va se trouver confronter à ce qu’il appréhende le moins ; les trahisons. Sur une période définie, c’est son histoire, ses interrogations, ses failles que le lecteur découvre au fur et à mesure par son récit mais aussi par ses très proches. A la fois critique sociétale, sociale et humaine, la galerie des portraits à laquelle nous sommes confrontés est tout en nuances, en subtilités mais aussi violente et implacable. C’est ce que va comprendre dans sa chair, dans son esprit et dans la mise en danger de son entreprise, le malheureux Thomas, sorte d’anti-héros moderne.
Un livre manifeste, prenant, parfait reflet de l’époque de crise morale et entrepreneuriale dans laquelle nous sommes. Les personnages sont parfaitement rendus, sans excès mais dans la juste mesure de leur rôle et leur spécificité. Un mode d’emploi pour se repérer dans une société qui en manque.
Merci pour cette découverte.

 » Une enquête de l’inspecteur Korolev – Les Enfants de l’Etat » de William Ryan

http://www.breakabook.com/

Partenariat avec le forum « Have a break, have a Book » et les Editions « Entre 2 Terres » que je remercie pour cette découverte.

Quatrième de couverture :

Le capitaine Korolev, inspecteur de police à Moscou en 1937, savoure la visite longtemps attendue de son fils Yuri. C’est alors qu’un éminent scientifique est abattu, à proximité du Kremlin. Le soir où l’enquête est assigné à Korolev, Yuri disparaît et la mère de ce dernier n’est plus joignable. Malgré son inquiétude, Korolev poursuit ses investigations. Mais où qu’il aille, il est devancé et les documents qu’il cherche, raflés. Korolev comprend qu’il est au cœur d’un combat entre deux factions rivales de la police secrète, le NKVD. Pour découvrir la vérité, il lui faudra suivre la piste des enfants de l’Etat, ceux qui disparaissent sans laisser de traces.

Avis et commentaires :

Impression générale :

A l’issue de cette lecture, j’avoue avoir été séduit par le contexte dans lequel, William Ryan fait évoluer l’inspecteur Korolev ; à savoir une période charnière pour l’URSS ; Lénine mort en 1924, le Secrétaire Général du Parti Communiste de l’URSS ; Joseph Staline est en pleine puissance avec la multiplication des purges à tous les niveaux comme celle des déportations et cela grâce à la toute puissance de la NKVD (Commissariat du peuple aux Affaires Intérieures) véritable police politique. C’est peu dire que les temps étaient à la suspicion, la précarité des simples citoyens soumis à une misère quotidienne et que la milice dont est issu Korolev est au bas de l’échelle.  Déjà planent les ombres de Gorski, Trotski et du terrible Beria et les luttes fratricides des dignitaires de ce régime. On sait que soumis à toutes ces pressions parfois antagonistes, avec en plus la disparition de son fils et de son ex femme, Korolev aura bien du mal à conserver une certaine sérénité.

On est bien dans un schéma et un contexte politique à part et radicalement original par rapport au monde du polar et du suspense. La vie quotidienne des soviétiques est parfaitement rendue ici que ce soit pour les problèmes d’approvisionnement, de logement, de vêtements, les victimes le plus souvent d’une pensée politique sanguinaire et dictatoriale (dénonciations, méfiances, suspicions…)

L’enquête dans laquelle est plongée Korolev est assez bien menée avec un certain sen du suspense et du rythme, 2 meurtres différents dans leur exécution et dont on ne découvre les mobiles et la variété des assassins qu’au fur et à mesure de notre lecture. Intérêt du lecteur constant.

En ce qui concerne l’histoire et les personnages en tant que tel :

Le personnage central du livre ; Korolev, n’a pas le profil du héros sans peur, aidé par une police scientifique quelconque, on est en 1937, les moyens sont rudimentaires et il faut une bonne dose de bon sens et d’observation pour étoffer son enquête.  Il n’est pas soumis qu’à une seule hiérarchie, au contraire, la Milice si elle est crainte par le peuple n’est pas considérée sous le meilleur aspect par le seul pouvoir policier et politique la NKVD et c’est donc elle, à travers les colonels Korolev et Zaïtsev, qui tout deux luttent pour la place de l’autre, qui vont par des moyens peu avouables, manipuler, orienter et terroriser Korolev tout au long de son enquête. Il est aussi le père du jeune Youri (parfait petit pionnier communiste) et vit séparé de la mère de son fils en partageant son appartement, selon les critères de l’époque et du régime). Ces deux proches seront d’ailleurs autant de leviers (arrestation arbitraire, disparition) pour que Koralev dirige son enquête, assisté / surveillé par un adjoint issu de la NKVD selon les résultats attendus.

 Les victimes, les professeurs Azarov et Shtange sont pour le premier le patron d’un institut pseudo –scientifique dans l’éducation et l’orientation politique  de l’individu et pour le second en charge de vérifier les théories, financements et méthodes du premier. Leurs épouses respectives sont aussi centrales dans ce récit. Toute cette petite communauté de privilégiées (hébergés dans de luxueux appartements) vit à l’ombre du Kremlin et est plus que choyée (même provisoirement au gré des changements politiques) par le régime communiste. Azarov est le portrait type du « salaud » par son arrivisme, son sens de la dénonciation mais aussi ses méthodes radicales de traitement des adversaires du régime et  d’éducation scientifique des futurs petits socialistes du régime. Shtange peut paraître plus sympathique puisque totale opposition à Azarov même si ses motivations et leurs motivations communes restent à la botte de la NKVD et du régime autoritaire.                                                                 

Si les motivations pour assassiner ces deux hommes ne manquent pas (argent, influences, femmes,  vengeances, haines), le lecteur avec Koralev va surtout découvrir que ce sont les travaux et le traitement médical et scientifique appliqués, sans nul autre état d’âme que de servir le Parti, Staline et la NKVD qui sont les déclencheurs plus ou moins directs de cette succession de meurtres. Toutes les pistes sont possibles.

Enfin un autre élément et véritable communauté de ce livre ; celui de l’ancêtre de la maffia russe et les enfants orphelins ou issus des éléments jugés anti socialistes, véritable victimes d’Azraov. L’alliance de Koralev et de ces derniers permettra de nous livrer toutes les clés de cette enquête

En ce qui concerne le corps du livre :

Livre très bien présenté en 56 chapitres courts et aérés. Indispensables aussi les parties reprenant l’index des personnages (réel ou fictifs), les sources et cadres ayant servi à William Ryan de bâtir son intrigue ainsi que la part des choses réelles ou non reprise dans ce récit.

Une écriture claire, précise et un sens certain du suspense, une fois plongé dans cette lecture, je n’ai pas pu m’arrêter avant les dernières pages. Du factuel, du suspense, une base solide et documentés, un fond historique réel et relativement inédit (dans le genre je ne connais que Tom Rob Smith avec « Enfant 44 ») ce sont les éléments qui portent ce livre.

Paysages, véracité historique et personnages :

S’il n’y avait pas ce cadre historique et politique réel avec un certain équilibre entre personnages ou faits historiques (Staline, Molotov, Beria, Iejov), le contexte économique réel des années 37 en URSS, de véritables faits sociologiques (famines, une population démunie) et des détournements scientifiques (lavages de cerveau, traitements électriques, tortures), ce récit n’aurait pas de raison d’être aussi prenant pour le lecteur.

Challenge Boris Vian. Liste ouverte des participants

Challenge Boris Vian. Liste ouverte des participants.

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Ma Rentrée Littéraire Automne 2012 avec le Forum de Lecture « Entrée Livre »

C’est fin juin 2012 que j’ai eu le plaisir de me voir confirmer par Entrée Livre que j’étais retenu pour participer en tant que membre au jury des Lecteurs VIP à la sélection du ou des livres les plus appréciés de cette rentrée littéraire de l’automne 2012.

C’est ainsi que juste avant de partir en vacances un colis de 8 livres (relie, format PDF, première parution) m’ était adressé pour que d’ici fin août, j’en rende avis et commentaires avant la discussion et les échanges entre les lecteurs de ce panel pour attribuer à ceux ou à celui qui a le plus séduit, la mention Elu par le Jury.

Voici la liste des livres chroniqués :

– Metin ARDITI « Prince d’Orchestre ».

– Laurent GAUDE « Pour seul Cortège ».

– Sébastien LAPAQUE « La Convergence des Alizés ».

– CLARO « Tous les Diamants du Ciel.

– François CUSSET « A l’Abri du Déclin du Monde ».

– Wajdi MOUAWAD « Anima ».

– Jérôme FERRARI « Le Sermon sur la Chute de Rome ».

– Makenzy ORCEL « Les Immortelles ».

– Alessandro PIPERNO « Inséparables ».

Je me propose, ici, de retranscrire mes chroniques, par ailleurs publiées sur Entrée Livre.

* « Les Immortelles » de Makenzy ORCEL :


Premier livre lu en partenariat avec la librairie Décitre et son forum Entrée Livre dans le cadre de l’opération Coup de Coeur d’un Jury Public que je remercie particulièrement.

https://i0.wp.com/www.entreelivre.com/images/logo-el-alpha.png

Editions Zulma.

Livre de 134 pages.

Premier Roman de cet auteur.

Quatrième de couverture :

Aux lendemains du tremblement de terre qui a secoué Port-Au-Prince avec la même force destructrice que la bombe d’hiroshima, Makenzy Orcel a écrit « Les Immortelles » pour dire la folie de vivre malgré l’épouvante autant que pour livrer le plus insolent témoignage face à l’apocalypse.

Avis et commentaires :

Premier roman de cet auteur asse fulgurant, livre de 133 pages partagés en plusieurs chapîtres brefs, concis et d’une grande qualité d’écriture ; les images se bousculent rendues au mieux par le style de l’écriture de Makenzy. Fusionner la énième tragédie haïtienne avec sa ville martyre de Port Au Prince à travers une catégorie de sa population particulièrement importante ; ses prostituées, c’est le pari réussi de ce romancier.

Un écrivain (l’auteur ?) se voit proposer un marché simple par une prostituée ; mettre des mots sur sa douleur dans sa double recherche (?) de sa fille qu’elle a abandonné à regret et surtout sur celle qu »elle appelle « la petite » celle dont elle avait fait se fille de substitution, prostituée également, morte dans les décombres du dernier tremblement de terre alors qu’elle était enceinte et dans l’attente  des secours, tout cela en échange d’une passe.

C’est la voix d’une partie des grandes oubliées du seïsme qui dévasta Port-Au-Prince, leur parcours, leur misère, leurs joies, leurs affections mais aussi du méprise de certains de leur client.

C’est la trop courte biographie d’une de ces victimes anonymes des ruines de la ville, à la fois en rupture avec sa propre mère mais passionnée de lecture et avide de savoir.

Ce sont les histoires de vie de la prostituée qui est à l’origine de ce marché avec l’écrivain, un peu du rendu de ces vies anonymes bousculées par la vie mais pour autant libre de leur choix de vie, de leur métier

 Deux citations :

.. »la petite. Quand elle a sauté à bord de l’irréversible, elle avait l’âge des mots qui hésitent »

.. »tous les mots de mon corps ne sauraient suffire pour dire la douleur de la terre ».

Pour moi une lecture captivante et belle, d’une grande poésie.

* « Prince d’Orchestre » de Metin ARDITI :

Huitième lecture en partenariat avec le librairie Décitre et son forum de lecture Entrée Livre dans le cadre de l’opération Coup de Coeur d’un Jury Public que je remercie particulièrement ainsi que les Editions Léméac / Actes Sud.

https://i0.wp.com/www.entreelivre.com/images/logo-el-alpha.png

Quatrième de couverture :

Alors que chaque concert lui vaut un triomphe et qu’il se trouve au sommet de sa gloire, le chef d’orchestre Alexis Kandilis commet une indélicatesse dont les conséquences pourraient être irrémédiables. Sa réputation est ébranlée. Aux déceptions et revers qui s’ensuivent il oppose la certitude de son destin d’exception. Mais les blessures les plus anciennes se rappellent à son souvenir. L’insidieux leitmotiv des Kindertotenlieder, Les chants des enfants morts, de Gustav Mahler lui chuchote sans répit le secret qu’il voudrait oublier.

La chute est inexorable. Seules l’amitié ou la confiance de quelques proches semblent l’ouvrir à une autre approche de son talent, susciter en lui un homme nouveau, dont la personnalité glisserait de la toute-puissance à la compassion, de l’arrogance à l’empathie profonde. Se dessine peut-être une métamorphose… Roman haletant, parcours exalté, bouleversé par les véhémences de la musique, Prince d’orchestre est aussi une réflexion sur la part d’imprévisible que contient toute existence, sur la force du hasard et les abîmes de la fragilité humaine, sur les souffrances que convoque, apaise, et souvent transcende l’inépuisable fécondité de l’art.

Avis et commentaires :

Voilà un des auteurs que j’avais hâte de retrouver après avoir adoré « La Fille des Louganis » et « Le Turquetto ». Là aussi aucune déception, ce fut un nouveau régal de lecture autour d’un thème pouvant paraître ardu présenté à des non initiés, celui de la musique classique et de ses grands chefs d’orchestre.

L’âme et le souffle dédiés à la peinture dans « Le Turquetto » irradient à nouveau ce voyage dans l’âme tourmentée  d’un compositieur contrarié, devenu contre son gré intialement « le chef d’orchestre » reconnu et célébré internationalement. Comment chuter de son piedéstal en un temps record, en fait entre Avril et Décembre 1997, c’est la démonstration que va nous faire avec brio Metin Arditi.

Pourtant tout souriait à Alexis Kandilis au moment du début de ce roman, chef d’orchestre de très grand talent, millionnaire que toutes les scènes du monde comme les orchestres s’arrachent, il ne manquait, à ses yeux, pour couronner sa gloire et lui assurer une postérité historiqueque l’enregistrement de l’intégralité des oeuvres de Beethoven, le B 16 pour les initiés. Tout cela c’était encore le cas s’il n’y avait une blessure d’enfance jamais guérie, tout juste oubliée, qui ressurgit lors d’un de ses concerts par l’apparition d’un témoin de son passé et de son enfance et cela va alors définitivement provoquer une descente aux enfers et une issue tragiique et sanglante.

Une vanité et un orgueil démesuré mais surtout le doute s’immisçant dans la vie d’Alexis, mal marié, sous l’emprise d’une mère ayant contrarier sa vocation de compositeur qui, pour elle et les sacrifices qu’elle lui avait consenti était synonyme de misère, il va vouloir se faire reconnaître par un cercle de joueurs et joueuse de poker et milliardaires en tant qu’individu de même classe ne recueillant que mépris et pertes de jeu colossales (diaboliques Jeffrey Parernoster et Anne de Ferretti en maitresse malmenée).

En ajoutant à cela, une énième série de reproche à un des musiciens qu’il dirige, Alexis va connaître la vengeance musicale des pairs de ce musicien lors d’une représentation, le déstabilisant totalement et ainsi ruinant toute une carrière. Les derniers amis et amies du maître ont beau encore lui tendre la main pour qu’il se reprenne, son orgueil, démesuré,  le fait que sa maison de production musicale choisisse finalement un des ces concurrents pour le B  16 et une définitve emprise et addiction aux jeux d’argent du casino précipiteront définitvement cet homme à terre.

En plus de l’histoire de sa chute ce sont le monde de la musique classique, une certaine initiation musicale du lecteur de l’intérieur, le monde cruel de la concurrence entre les chefs d’orchestre, les relations parfois tendues entre les musiciens et leurs chefs, la dynamique de l’art musical qui nous sont ici, un peu découverts.

La scène finale est tout simplement majestueuse.

Pari à nouveau réussi par Metin Arditi.

* « Tous les Diamants du Ciel » de Claro :

Sixième livre lu en partenariat avec la librairie Décitre et son forum de lecture Entrée Livre dans le cadre de l’opération Coup de Coeur d’un Jury Public que je remercie particulièrement aisni que les Editions Actes Sud.

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Quatrième de couverture :

Propulsé dans le siècle du LSD et de la guerre froide après avoir mangé un morceau de “pain maudit” pendant l’été 1951 à Pont-Saint-Esprit, le jeune Antoine va découvrir un monde où l’improbable est réel et le réel improbable, et entamer un chaotique chemin de croix, qui le mènera des mirages du désert algérien aux sex-shops du Paris de l’après 1968.

Avis et commentaires :

Roman ? Enquète ? Fiction ? difficile là aussi de classer ce genre de livres tant les digressions sont nombreuses entre le récit de ces journées de 1951 où la ville de Pont – Saint – Esprit vit des centaines de ses habitants devenir fou après avoir mangé du pain d’une de ses boulangeries, du récit d’une partie de vie d’une junkie manipulée par la CIA en rupture de famille arrivée à New York, de la vie à Paris en 1969, des premiers pas de l’industrie des sex shop comme des manoeuvres de la CIA en Europe.

Un seul fil rouge à travers les trois personnages majeurs de ce livre ; Antoine Rossignol, la fénommée Lucy et l’agent spécial de la CIA Wen Kroy. Le lecteur va ainsi passer de chapitres en chapîtres à se demander où l’auteur veut en venir, si l’on referme ce livre avec une idée plus claire, on n’est même pas sûr d’avoir toutes les clés du récit.

Antoine, acteur sans le vouloir et victime de l’intoxication de Pont – Saint – Esprit va nous balader, à travers ses confidences (hallucinées ?) sur son récit de vie (mécano, militaire en Algérie, sous marinier…) ce qui permet à Claro de donner sa vision des grands évènements  sociaux, politiques et sociologiques entre 1951 et la fin des années 70. On le sait juste exalté, orphelin déphasé en quète quasi mystique ou tout simplement mythomane.

Quand aux autres personnages ; quelques mots ; Lucy, qui de statut de junkie à celui de délatrice pour la CIA de tous les lieux dans le monde où les USA veulent barrer le chemin au communisme et à la sédition et Wen Kroy, agent pervers de la CIA, spécialiste de la manipulation, sur tous les terrains nécessaires.

Vous l’aurez compris, outre le fait que probablement une seconde lecture s’impose, je me suis senti pour le moins un peu perdu dans ce récit même si je n’en ai jamais été refroidi.

* « La Convergence des Alizés » de Sébastien Lapaque.

Septième roman lu en partenariat avec la Librairie Décitre et son forum de lecture Entrée Livre dans le cadre de l’opération Coup de Coeur d’un Jury Public que je remercie particulièrement ainsi que les editions Actes Sud.

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Quatrième de couverture :

A l’équateur, où se rencontrent les vents des deux hémisphères, la convergence des alizés provoque des turbulences atmosphériques variées en poussant l’air à s’élever. Etudiante en géographie à l’université de Belém, Helena Bohlmann est fascinée par ce phénomène auquel elle a consacré des pages et des pages. Mais c’est par quelques mots seulement, je t’aime, je t’aime, je t’aime, qu’elle a signé sa disparition soudaine, laissant Zé, son amant, dans l’attente, l’anxiété, puis l’impérieux besoin de la revoir.

Forçant son naturel mélancolique, Zé quitte alors l’Amazonie pour Rio de Janeiro, l’ancienne capitale brésilienne, qu’il ne connaît pas. Guidé par son intuition et par des signes mystérieux, il est persuadé de retrouver Helena. La convergence des alizés est un jeu de pistes trompeur dans lequel une quarantaine de personnages incarnent tous les visages du Brésil sur un enivrant manège romanesque. Histoire, musique, politique, football, paysages : le pays entier se livre au lecteur comme un nouvel amour.
Et la jeunesse du Sud prend le pouvoir pour désigner les possibles de notre temps. Les surprises de l’amour, les bonheurs de l’amitié, l’érudition et la fougue animent l’écriture de Sébastien Lapaque, illuminant cette fusion ardente du romanesque et de la subversion.

Avis et commentaires :

Nouvelle publication émanant d’Actes Sud de plus de 337 pages à la fois puissantes et parfois complexes mais qui, pour les passionnés d’Amérique du Sud (et particulièrement du Brésil) sera un enchantement et un dépaysement magistral tant par les décors évoqués que l’âme, l’histoire, la sociologie de cette partie du monde.

Nouvel ouvrage où, si le lecteur veut assembler tous les fils des aventures ou histoires des très nombreux (parfois trop !) personnages rencontrés, il se devra de prendre le temps des notes et de la lecture et d’aller au bout du livre. Le modèle sociétal brésilien dans la diversité de ses habitants (amazoniens, citadins de Sao paulo, de Brasilia ou de Rio) est parfaitement rendu autour finalement de l’histoire et le parcours de zé, jeune homme à la recherche de celle qui fut sienne quelque temps  dans sa région amazonienne, la particulièrement complexe Héléna, jeune écologiste  passionnée et particulièrement engagée, qui le quitte un jour, brusquement.

A travers les rebondissements des personnages liés à ces deux héros centraux, c’est donc le modèle sociétal gangrené (drogue, politique, affairisme, atteinte à l’écologie) du Brésil qui est mis à mal mais aussi sa beauté et son mode de vie unique. On rencontrera des frères plutôt corrompus, un jeune présentateur TV très imbu de lui-même en plein succès, un vieux sénateur vicieux et corrompu mais aussi le philosophe Borges, le chanteur – écrivain  Chico Buarque, le tenancier d’un bar fan de football et philosophe très attachant et de jeunes activistes – idéalistes politiques écologiques.

Passionnant récit à la recherche de ce qui fait l’âme du Brésil et écriture de qualité mêle si le nombre de personnage est trop important et qu’on n’arrive pas tout de suite à comprendre où l’auteur veut nous emmener ni s’il y aura une chute ou non. Démêler tous les fils proposés dans ce récit peut s’avérer parfois fastidieux.

* « A l’Abri du Déclin du Monde » de François Cusset :

Cinquième livre lu en partenariat avec la librairie Décitre et son forum de lecture Entrée Livre dans le cadre de l’opération Coup de Coeur d’un Jury Public que je remercie particulièrement ainsi que lesEditions P.O.L.

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Quatrième de couverture :

Un jour de feu, comme si la ville avait toujours été à nous.

Un seul jour de feu, pour un reste de vie tiède.

Longtemps après, on vit sans nous, chacun pour soi.

Mais on se retrouve par hasard, une nuit entière, on retrouve nos forces, et un fantôme.

Notre temps à nous.

A l’abri du déclin du monde.

Avis et commentaires :

Roman des plus ardus, il faut vraiment passer le premier chapître (assez long du reste) pour le poursuivre, s’y intéresser et enfin comprendre que l’on n’est pas en présence de nouvelles différentes mais d’un récit choral.

Livre de 344 pages partagé en trois parties.

Partant d’une description topographique de Paris des plus longues lors de journées d’émeutes assez violentes qui faillir faire basculer le pouvoir en place vécues de l’intérieur par une bande d’amis, le lecteur  va découvrir chacun des éléments rendus à une vie plus calme (journaliste, urgentiste-fêtard, personne vaquant de groupement politiques en squat entre autres) puis leur retrouvaille quelques années plus tard avec une chute originale, la faille qui les a réuni.

Roman étrange en vérité, bien écrit mais parfois difficile à suivre, intéressant de voir une étude quasi sociologique de la naissance d’une émeute, d’un mouvement social de protestation pacifique et fraternel et bien sûr de certains des protagonistes.

Etude des comportements de ces protagonistes retombés dans une vie sociale et professionnelle (plutôt quelconque mais inaboutie) comme privée post révolutionnaire pour finalement arriver à une ultime partie dans leur retrouvaille  de ces derniers, qui outre, ces journées d’agitation ont vu leur vie s’orienter autour d’un évènement tragique qu’ils ont vécu ensemble.

 Intéressant donc mais sans excès.

* « Anima » de Wajdi Mouawad :

Quatrième livre lu en partenariat avec la librairie Décitre et son forum Entrée Livre dans le cadre de l’opération Coup de Coeur d’un Jury Public que je remercie particulièrement ainsi que les Editions Leméac / Actes Sud.

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Communiqué de presse des Editions Lémeac / Actes Sud :

Sa femme a été assasinée et violée. Wahhch se lance sur les traces du meurtrier, un Indien mohawk qui profane les plaies ouvertes dans le ventre de ses victimes. De cette poursuite du monstre, les animaux sauvages ou domestiques sont les témoins, se relayant pour prendre en charge la narration.

Vaste geste polyphonique, « Anima » tisse des liens d’une guerre à l’autre, d’un continent à l’autre. « Les vibrations du chagrin ne sont pas le propre de personne », remarque une abeille, et la douleur est la chose du règen animal la mieux partagée.

Seul l’humain, pourtant, a perverti sa nature au point d’être capable de consacrer son intelligence et ce qui lui reste d’instinct à terroriser, assujettir, torturer, et à en tirer jouissance. La prémeditation est le propre de l’homme. Ce n’est là que l’un des aspects de ce roman initiatique et animiste foisonnant qui explore les effrayants abîmes de la conscience en même temps que l’être-au-monde de l’humanité. On connaissait l’ardeur métaphorique du théatre de Wajdi Mouawad, on découvre avec fascination la singularité de son univers romanesque.

Avis et commentaires :

Roman ? thriller ? récit ?, difficile de définir ce premier livre mais au minimum c’est une oeuvre originale et d’une grande poésie.

Oeuvre de multiples voix et pour une fois ce sont les animaux sauvages ou domestiques  (chevaux, chiens, papillons, moustiques, araignée, souris…) qui nous rapportent le parcours suivi par Wahhch, marqué par la violence et le désespoir mais aussi par de belles rencontres entre le Canada et les USA , pour comprendre et se trouver face à face avec l’assassin de sa femme, tueur – violeur psychopathe et comprendre ce que ce meurtre a ouvert une porte encore plus terrible sur ses véritables racines.

Un être humain désespéré mais ordinaire confronté à la violence mais si proche du genre animal en quête de compréhension, pour faire son travail de deuil et qui au cours de ce récit fleuve, va découvrir l’indicible, ses véritables racines sur fond du massacre de Sabra et Chatila.

Jamais un auteur n’avait autant donné la parole aux espèces animales, les seules estimables dans ce livre, à part évidemment Wahhch dont on comprend à la fin de ce récit sa proximité et la mutuelle fraternité les unissant.

 Pour moi un coup de coeur, d’une grande sensibilité et unique dans sa forme sur les livres lus, à ce jour, de la rentrée littéraire de septembre 2012.

* « Pour Seul Cortège » de Laurent Gaudé :

Troisième roman lu en partenariat avec la librairie Décitre et son forum Entrée Livres dans le cadre de l’opération Coup de Coeur d’un Jury public que je remercie particulièrement ainsi que les Editions Actes Sud.

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Quatrième de couverture :

En plein banquet, à Babylone, au milieu de la musique et des rires, soudain Alexandre s’écroule, terrassé par la fièvre.

Ses généraux se pressent autour de lui, redoutant la fin mais préparant la suite, se disputant déjà l’héritage – et le privilège d’emporter sa dépouille.

Des confins de l’inde, un étrange messager se hâte vers Babylone. Et d’un temple éloigné où elle s’est réfugiée pour se cacher du monde, on tire une jeune femme de sang royal : le destin l’appelle à nouveau auprès de l’homme qui a vaincu son père…

Le devoir et l’ambition, l’amour et la fidélité, le deuil et l’errance ménentr les personnages vers l’ivresse d’une dernière chevauchée.

Porté par une écriture au souffle épique, « Pour seul cortège » les accompagne dans cet ultime voyage qui les affranchit de l’Histoire , leur ouvrant l’infini de la légende.

Avis et commentaires :

Valeur sûre confirmée par ce nouvel opus de Laurent Gaudé, souffle antique à l’image des pièces dramatiques grecques ou des auteurs français de tragédie comme Corneille ou Racine mais re visité par un écrivain moderne et en prose.

D’Alexandre Le Grand, on connaissait l’ambition, les conquêtes et les passions comme la rage et ses travers violents, Laurent Gaudé tente et réussit la gageure de nous faire vivre ses dernières pensées lors de son agonie et la période de transition entre celle-ci, son trépas et même ses pensées post morte m. Ce sont aussi les périples et les sacrifices de Drypteis, mère d’un des enfants d’Alexandre, du sacrifice d’Ericleops, ami fidèle d’Alexandre dans son projet de conquérir l’Inde, des guerres de succession de ses amis généraux à sa mort, du cortège accompagnant le corps d’Alexandre à sa dernière demeure, du ravissement de son corps et pour finir en une guerre fantasmagorique.

Jamais les personnages n’ont été si bien creusés dans leur profil psychologique, les images de la douleur aussi bien rendus, des paysages de l’Hindus, de la Perse ou de la Macédoine décrit. Sens de l’honneur, du devoir, splendeur du récit romanesque, du récit épique, tout est rendu parfaitement. Tout le livre est une splendeur, la fin est digne d’un film avec le combat des derniers fidèles d’Alexandre ; Tarkilias, Moxyartés, Aristonos, Af Ashra, Nactaba, le cavalier sans tête d’Ericleops et avec la vision de Drypteis ; sacrifice des derniers fidèles d’Alexandre en forme d’hommage posthume sur ce qui aurait du être l’ultime victoire de leur ami contre l’armée indienne.

 Livre lu d’une traite, d’un souffle tant je me suis senti porté par ce récit.

* » Le Serment sur la chute de Rome » de Jérôme Ferrari :

Nouveau roman lu en partenariat avec la librairie Décitre et son forum Entrée Livre dans la cadre de l’opération Coup de Coeur d’un Jury Public que je remercie particulièrement ainsi que les Editions Actes Sud

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Editions Actes Sud.

Livre de 204 pages.

Quatrième de couverture :

Dans un village corde perché loin de la côte, le bar local est en train de connaître une mutation profonde sous l’impulsion de ses nouveaux gérants. A la surprise générale, ces deux enfants du pays ont tourné le dos à de prometteuses études de philosophie sur le continent pour, fidèles aux enseignements de Leibnitz,  transformer un modeste débit de boissons en « meilleur des mondes possibles ». Mais c’est bientôt l’enfer en personne qui s’invite au comptoir, réactivant  des blessures très anciennes ou conviant à d’irréversibles profanations des êtres assujettis à des rêves indigents de bonheur, et victimes, à leur insu, de la tragique propension de l’âme humaine à se corrompre.

Entrant, par-delà les siècles, en résonance avec le sermon par lequel Saint Augustin tenta, à Hippone, de consoler ses fidèles de la fragilité des royaumes terrestres, Jérôme Ferrari jette, au fil d’une écriture somptueuse d’exigence, une lumière impitoyable sur la malédiction qui condamne les hommes à voir s’effondrer les mondes qu’ils édifient et à accomplir, ici-bas, leur part d’échec en refondant sans trêve, sur le sang ou les larmes, leurs impossibles mythologies.

Avis et commentaires :

Livre de plus de 200 pages dans un style littéraire assez précieux mais d’une grande richesse lexicale, partagé en 7 chapîtres dont les titres, à l’image de l’histoire rapportée, se répondent en écho et sont tirés du « serment de Saint Augustin à Hippone pour consoler ses fidèles de la fragilité des royaumes terrestres », ce sont ici les membres de la famille Antonetti et Pintus comme la petite communauté des habitués du bar de ce petit village corse où se déroule l’essentiel des événements qui verront leur petit monde grandir et exploser.

Ce sont plus particulièrement Marcel Antonetti, Matthieu Antonetti, Aurélie Antonetti et Libero Pintus auxquels s’attache Jérome Ferrari et son lecteur. Les moments de leur vie les plus cruciaux sont ici visités de l’intérieur avec pour scène principale le bar que Matthieu et Libero reprennent en main et re développent.. Le cadre choisi est la Corse, son histoire et sa culture sont merveilleusement rendus dans son immuable destin.

Outre les multiples rebondissements dans la gestion du bar de Marie Angèle, où se succèdent les gérants plus ou moins heureux ce sont les destins contrariés de Marcel qui voyait dans une carrière militaire la quête d’un destin glorieux mais qui ne le connut jamais, c’est aussi Matthieu né continental qui cherche à travers des études de philosophie (Leibniz) une raison d’être, mais qui finalement se perd en chemin avec la gérance de ce bar, celui de sa soeur Aurélie, archéologue sur les traces de Saint Augustin en Algérie se heurtant à la culture machiste, anti colionaliste de ce pays et enfin de Libero, ami sarde mais profondément insulaire, abandonnant ses certitudes après un master de philosophie dur saint Augustin pour bousculer et diriger Matthieu à travers la reprise du bar, peut-être celui le plus proche de la culture et de ses racines corses.

Récit très poétique parfois long dans la recherche d’une écriture quasi précieuse, c’est le récit de vie de cette communauté autour d’un bar, tout d’abord intimiste puis à la limite du bar à hôtesses dans ses bouleversements, ses amours  et ses jalousies puis finalement ses déviances pour finir en drame, intimement lié aux rapports entre Matthieu et Libero, leurs hésitations et leurs attentes les plus profondes.

J’avoue m’être parfois accroché pour poursuivre cette lecture mais ne le regrette nullement.

* « Inséparables » d’Alessandro Piperno :

Quatrième de couverture :

Inséparables, les frères Pontecorvo, Filippo et Samuel, l’ont toujours été. Comme  les petits perroquets qui ne savent vivre qu’ensemble. Les différences existent pourtant. L’aîné , paresseux patenté, collectionne les aventures. Le second, financier brillant, ne connaît en amour que des ratés. Et voilà que les destins s’inversent. Samuel subit un revers professionnel important tandis que Filippo conquiert une renommée innatendue? Une renommée que les médias amplifieront pour de mauvaises raisons. Encore une fois les Pontecorvo, vont devoir faire face au système médiatique.Alors que 25 années se sont écoulées, le passé refait surface et ramène au premier plan le spectre de Léo,leur père, l’hallali de la presse, le silence qui a tétanisé la famille, le rôle de l’inébranlable Rachel. Un passé qu’il est temps pour les Inséparables d’affronter, tout en slalomant dans leur propre vie.

Avis et commentaires :

La famille Pontecorvo, Rachel, la mère, les deux frères inséparables, Filippo et Samuel (le narrateur) connut le scandale alors que Léo, le père, médecin émérite, accusé à tort (on le verra en fin de livre) de pédophilie se réfugie dans le silence et le rez de chaussée, désertant le premier étage de la maison familiale. Sur cette base et le scandale, chacun va devoir construire sa vie privée et professionnelle sur le chaos. Pour Filippo, médecin mais plutôt indolent, c’est une engagement dans l’armée puis dans les ONG dans les pays en crise tout en cultivant son talent de dessinateur, qui au retour de sa dernière mission va rencontrer, Anna, fille unique, adorée de son père, homme aisé et l’épouser, pouvant ainsi vivre à leurs crochets, alors que sa femme se pique d’être actrice à la recherche de la reconnaissance. Pour Samuel, au contraire ce sont des études prestigieuses qui lui permettent de faire fortune dans la finance  puis dans le négoce du coton, sans vraiment réussir à trouver le grand amour, partagé entre deux femmes mais impuissant.

Au moment des faits narrés dans ce livre, Filippo, par hasard mais grâce à ses séries de dessins et d’un vague scénario de film tiré de son expérience d’humanitaire, alors même que son ménage bat de l’aile, connaît succès et fortune certes mais sous le coup d’une fatwa de musulman intégriste pour son film alors que son frère Samuel, mal inspiré et à l’aube d’un mariage peu souhaité, se retrouve ruiné.

Ce retour de destin, sur fond de religion et de tradition juive est aussi le récit de blessures intimes jamais guéries, rivalités / admiration entre les 2 frères, de l’effacement volontaire ou non du père.

Globalement peu de surprises dans cette lecture, pas déplaisante mais non passionnante. Texte bien écrit et bonne traduction.